Tourisme : ne plus nous endormir sur nos lauriers

 

Comme il a été dit à plusieurs reprises, le tourisme est un secteur économique majeur  pour la France en termes de balance commerciale et d ’emploi. 

Cette activité  pèse  2 millions d ’emplois directs et indirects et 6% du PIB. Elle nous offre un rayonnement international. Un rayonnement qui pourrait s ’écorner, si notre pays continue de perdre, chaque année, une part du marché mondial malgré l ’accroissement  des flux de voyageurs dans le monde.

Face aux clignotants qui s ’allument, il est nécessaire de moderniser et d ’adapter l ’offre touristique française aux nouvelles exigences des consommateurs.

        – Il est nécessaire de se donner les moyens pour rivaliser avec nos principaux concurrents internationaux.

        – Il est nécessaire d ’être en anticipation et non en réaction. 

        - Il est nécessaire tout simplement de ne plus nous endormir sur nos lauriers.

Je vous donne acte, Monsieur le Ministre, de cette prise de conscience et de votre volonté d ’apporter certaines réponses techniques, utiles pour moderniser notre législation en matière de tourisme.

Je pense, bien sûr, à la modernisation des critères du classement hôtelier. Elle était attendue à juste titre par les professionnels.

Je pense, à l ’extension de l ’échelle de classement qui ira désormais de 1 jusqu ’à 5 étoiles. Cette approche, plus qualitative, qui intègre de nouvelles attentes du tourisme international, sonne juste.

Je salue également, votre souhait de faciliter et de développer l ’utilisation des chèques vacances. La diffusion de ce dispositif et l ’assouplissement de ses règles en faveur des entreprises de moins de 50 salariés n ’avaient que trop tardé.

Mais au-delà de ces deux points, et si on écarte des transpositions de directives européennes et plusieurs dispositions d ’ordres techniques, que reste t-il réellement dans ce projet de loi ?

D ’abord une constante ambiguïté. Ambiguïté entre modernisation affichée et recherche d ’économies.

Deux exemples, si vous le voulez bien :

Le regroupement en un seul organisme d ’ODIT France et de Maison de la France, est il vraiment réalisé que dans un seul but d ’unicité d ’action? Permettez moi d ’en douter!

Nous avons là tous les critères d ’une réforme  de type « RGPP » consistant d ’abord à rechercher des économies, derrière une façade d ’efficacité.

La mutualisation annoncée des moyens est-elle un outil ou une excuse ?

Ces interrogations sont légitimes, Monsieur le ministre. De nombreux professionnels auditionnés mais également l ’association des maires de France sont restés sur leur faim quant à  la clarté de la gouvernance, des ambitions, des missions et de l ’ingénierie touristique de la nouvelle agence.

Loin de moi, de vous faire un procès d ’intention, à priori! Mais convenez, tout de même, que démarrer dans une telle opacité de moyens et de stratégie légitime les inquiétudes des professionnels et les nôtres. 

En réalité, et vous le savez bien M. le Ministre, seuls les moyens financiers que vous consacrerez à l ’agence Atout France, afficheront réellement votre volonté de résultats et répondront à ces questions.

Or, dans le contexte actuel et au regard de la dernière loi de finances, on est en droit de s ’inquiéter.

Le deuxième exemple  pour  illustrer toujours cette même l ’ambiguïté, porte sur la procédure du classement hôtelier.

Jusqu ’à présent, le préfet attribuait le classement après avis de la commission départementale d ’action touristique ; avis pris au vue d ’un rapport de visite effectué par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Désormais, les visites seront effectuées, non plus par les services de l ’Etat, mais par des organismes privés. Des organismes, certes accrédités par le Comité français d ’accréditation, mais des organismes privés quand même, donc payants!

Ainsi, sous couvert de modernisation, l ’Etat se désengage de cette charge d ’évaluation. Il en fait payer le coût par l ’établissement demandeur. Si ce n ’est pas une recherche d ’économies, ça y ressemble quand même beaucoup !

Ce texte, Monsieur le ministre,  ne soulève pas que des ambiguïtés. Il interroge aussi sur la volonté réelle du Gouvernement de traiter dans sa globalité l ’un des premiers secteurs économiques français.

Des pans entiers des problématiques du tourisme ne sont pas abordés.

 - Je pense à la petite hôtellerie indépendante et saisonnière qui connait de plus en plus de difficulté.

 - Je pense au statut, aux conditions de travail et d ’hébergement des saisonniers, dont on ne parle pas ou peu.

 - Je pense au tourisme social aujourd ’hui en quête d ’identité. Il faut gérer son héritage et tenir compte de son évolution en redéfinissant les objectifs et les moyens d ’intervention avec une démarche qualité

 - Je pense à l ’insuffisance de l ’offre d ’hébergement pour le tourisme solidaire, familial, jeunes et associatif

 - Je pense, enfin, au manque de réflexion sur l ’accessibilité des régions touristiques en terme d ’infrastructures et de service de transport.

A défaut de réel engagement de l ’Etat, ce sont encore une fois les collectivités territoriales et leurs prolongements - offices du tourisme, comités départementaux et régionaux du tourisme - qui devront assumer la stratégie et les investissements en matière d ’accueil à vocation sociale.

Monsieur le ministre, le tourisme est aussi un élément d ’aménagement du territoire. D ’aménagement ou de destruction lorsque les intérêts marchands l ’emportent sur la protection et la valorisation du patrimoine environnemental.

Là aussi, ce projet de loi aurait pu marquer une volonté du Gouvernement de soutenir un tourisme alternatif, respectueux de l ’environnement et des populations.

Nous le savons tous. Le tourisme n ’est pas seulement affaire de classement hôtelier, d ’attractivité internationale ou de toilettage d ’une réglementation obsolète. Il a aussi une dimension sociale, humaine et environnementale.

J ’ai déjà eu l ’occasion de vous le dire, Monsieur le Ministre. Ce texte est bigrement minimaliste au regard des enjeux et des problématiques du tourisme français.

Pourquoi ? parce que l ’organisation mondiale du tourisme prévoit pour les 20 prochaines années, un triplement des flux touristiques internationaux et leur doublement en Europe.

 Votre projet de loi reste aussi trop partiel.

 Il favorise une partie des professionnels du tourisme. Il fait l ’impasse sur de nombreuses problématiques. Il ne s ’adresse pas suffisamment aux plus défavorisés.

C ’est donc un texte ambigu et minimaliste qui relègue, une fois de plus, le tourisme comme un domaine d ’activité secondaire. Or, les perspectives d ’évolution de ce secteur  ne doivent pas simplement  prolonger  les tendances des dernières années.

 Mais surtout, surtout, Monsieur le ministre, c ’est  un texte alibi. Un de plus !

Vous vous en servez pour faire passer, au dernier moment, par le biais d ’amendements du Gouvernement, de nouvelles dispositions, plus ou moins liées au texte initial.

       -Des dispositions, loin d ’être neutres financièrement et socialement.

       – Des dispositions, qui  illustrent, une fois de plus,  votre sempiternelle ligne de flottaison douteuse  entre secteur privé et secteur public.

       – Des dispositions qui nous engagent sans grande concertation préalable.

Ainsi l ’article 13 ter. Il prévoit de façon surprenante  y compris dans les rangs de la majorité, que le financement de stades privés est désormais d ’intérêt général.

Pourquoi cet article dans ce texte ?

 Mais je souhaite, surtout, mettre l ’accent sur un autre amendement du Gouvernement.

Il s ’agit de l ’article 10 bis A qui accélère, dans la précipitation, la mise en place de la TVA à 5,5% pour la restauration, alors que cette disposition était initialement prévue pour janvier 2010.

 Selon vos propres estimations, le coût de cette mesure s ’élèvera à 3 milliards d ’euros en année pleine.

En enlevant les allégements de charges qui seront supprimés au 1er juillet, le coût pour les finances publiques sera au minimum de l ’ordre de 2,5 milliards d ’euros chaque année.

Vous conviendrez avec moi, que 2 milliards et demi de suppression de recettes fiscales, c ’est considérable ! Surtout si l ’on tient compte de la situation désastreuse de nos finances publiques. Le ministère de l ’économie avait préconisé avec sagesse un taux entre 10 et 12%. 

Avec de tels montants en jeu, on est en droit d ’exiger des négociations réelles pour l ’amélioration de la filière restauration, pour les créations d ’emplois, la revalorisation des salaires des personnels et la baisse des prix pour le consommateur.

 Monsieur le Ministre, vous nous parlez d ’un contrat d ’avenir signé par les organisations professionnelles dans le cadre des Etats Généraux de la Restauration. Etats Généraux, soit dit en passant, boycottés par les cinq grandes confédérations syndicales, faute d ’avoir obtenu des garanties suffisantes sur des contreparties.

 Ce contrat d ’avenir est peut être  plein de bonnes intentions. Mais en réalité, personne ne croit réellement à son impact en raison d ’un donnant -donnant  dont il sera difficile de mesurer le respect. En raison, aussi, de l ’impossibilité de vérifier sérieusement quoi que ce soit, dans une profession aussi éclatée que disparate.

 Nous ne sommes pas les seuls à être sceptiques.  Selon un récent sondage, plus de la moitié des français pense que cette diminution de TVA n ’aura pas d ’incidence durable ni sur les prix, ni sur les salaires, ni sur l ’emploi.

Pour nous, des négociations réelles et sérieuses sont donc un préalable indispensable. Et cela passe obligatoirement, et dès maintenant,  par un accord de branche et non par une sympathique charte sur l ’avenir.

Accord de branche qui fixera précisément l ’utilisation de ces 2,5 milliards d ’euros annuels, en faveur de la revalorisation des salaires, en faveur  de l ’amélioration de la protection sociale des salariés, en faveur des prix.

Monsieur le Ministre, pour le Groupe Socialiste, Radical et Citoyen, ceci est un préalable incontournable. Nous demandons des garanties sérieuses pour que sa mise en place serve utilement à la filière, à ses salariés et aux consommateurs.

Faute de garanties et notamment d ’accord de branche, nous ne pourrons pas vous suivre dans cette orientation.

Dans la situation alarmante de nos finances publiques n ’avoir, comme contrepartie, que des intentions d ’un simple contrat d ’avenir, n ’est pas admissible. Ce serait une faute, face au déficit public, à l ’augmentation du chômage  et à la baisse du pouvoir d ’achat.

A cette demande précise nous attendons une réponse précise. Je souhaite que nous puissions nous retrouver sur ce point avant toute discussion du texte.

Pour conclure, Monsieur le Ministre, s ’il y a dans ce projet de loi des aspects positifs que j ’ai soulignés, en revanche, il ne prend pas assez en compte les profondes transformations du secteur touristique lié

- – à la mondialisation des échanges commerciaux,

- – au fractionnement et à la diversification des types de séjour,

- – aux nouvelles techniques de communication.

Ce n ’est pas les uns contre les autres, ni les uns sans les autres que les acteurs du tourisme pourront assurer le développement touristique de notre pays. 

Mais surtout, monsieur le ministre, l ’ajout dans la précipitation, d ’amendements du Gouvernement, parfois très  discutables, en fait un texte alibi qui perd au fil du temps une part de son crédit initial.

Pour toutes ces raisons, je vous demande d ’adopter la présente question préalable.